[caption id="attachment_51797" align="aligncenter" width="688"] Dîner annuel du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France) le 20 février 2019.
Emmanuel et Brigitte Macron, Nicole Belloubet et Christophe Castaner.
Photo : Julien DANIEL / MYOP
Pour lutter contre la « haine » antijuifs, le chef de l’Etat a notamment annoncé mercredi le dépôt en mai d’une proposition de loi contre les propos racistes sur le Net.
C’était un discours très attendu. Dans un contexte particulièrement tendu. Mercredi 20 février, à Paris, Emmanuel Macron était l’invité d’honneur du 34e dîner annuel du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), un rendez-vous très politique où se pressent présidents et ministres – anciens et actuels –, personnalités publiques et dirigeants d’institutions, diplomates et représentants des cultes.
Sous très haute protection – plus de 200 gendarmes et policiers avaient été mobilisés pour sécuriser le Carrousel du Louvre, où se déroulait le dîner –, l’édition 2019 a accueilli, entre autres, le ministre de l’intérieur Christophe Castaner, la garde des sceaux Nicole Belloubet, les ex-premiers ministres Manuel Valls et Bernard Cazeneuve, la maire socialiste de Paris Anne Hidalgo, la présidente (Les Républicains) de la région Ile-de-France Valérie Pécresse, et Philippe Val, l’ancien directeur de Charlie Hebdo, qui recevait cette année le prix du CRIF.
Les représentants de la communauté juive l’avaient fait savoir : ils attendaient du président de la République des « mesures concrètes ».
« La situation s’est encore aggravée ces dernières semaines. Notre pays – comme d’ailleurs l’ensemble de l’Europe et la quasi-totalité des démocraties occidentales – est confronté à une résurgence de l’antisémitisme sans doute inédite depuis la seconde guerre mondiale », a déclaré, en préambule, le chef de l’Etat, la mine grave et le timbre sourd.
« Trop d’indignations, pas assez de résultats »
La veille, mardi 19 février, place de la République, au cœur de la capitale, 20 000 personnes s’étaient rassemblées à l’appel d’une vingtaine de partis politiques pour protester contre la multiplication des actes antisémites – une hausse de 74 % en 2018, soit 541 actes (insultes, tags, menaces, dégradation de biens, violences, agressions, homicide…).
Il s’agissait aussi de dénoncer les récents faits antijuifs : les portraits de Simone Veil peints sur deux boîtes aux lettres du 13e arrondissement de Paris recouverts de croix gammées, le mot « Juden » (juif, en allemand) tagué sur la vitrine d’un magasin Bagelstein, les deux arbres plantés à la mémoire d’Ilan Halimi – jeune homme torturé à mort en 2006 – sciés, le philosophe Alain Finkielkraut insulté en marge d’une manifestation des « gilets jaunes »…
[ Marguerite Desprez, députée de la 9eme circonscription du Pas-de-Calais, Place de la République à Paris mardi soir
Le matin même du dîner du CRIF, de nouvelles inscriptions antisémites – croix gammées à l’envers, « Shoah blabla » – avaient été découvertes sur un monument aux morts du cimetière de Champagne-au-Mont-d’Or, près de Lyon.
Le président de CRIF, Francis Kalifat, l’a rappelé : les Français de confession juive représentent moins de 1 % de la population globale du pays et concentrent 50 % des actes racistes commis. « Cette litanie, c’est notre échec, a déploré le chef de l’Etat dans son discours de trente-cinq minutes. Trop d’indignations, trop de mots, pas assez de résultats. Le temps est donc venu des actes, tranchants. »
Devant un parterre de plus de 1 000 invités munis d’un badge « Tous unis contre l’antisémitisme », Emmanuel Macron a accédé à la demande formulée quelques minutes plus tôt par Francis Kalifat en annonçant que la France allait adopter dans ses textes de référence la définition de l’antisémitisme validée par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA), c’est-à-dire élargie à l’antisionisme, « une des formes modernes de l’antisémitisme », a souligné le chef de l’Etat, sans pour autant « empêcher de critiquer la politique du gouvernement israélien » ni « modifier le code pénal », a-t-il précisé. Il s’agit de mettre en œuvre des recommandations (à destination des policiers, des magistrats, des enseignants…), les textes juridiques ne seront donc pas modifiés.
La veille déjà, le président s’était déclaré contre une loi punissant l’antisionisme au même titre que l’antisémitisme, requise par certains députés de sa majorité. « Je ne pense pas que pénaliser l’antisionisme soit une solution, avait-il expliqué. Ceux qui aujourd’hui dans le discours veulent la disparition d’Israël sont ceux qui veulent s’attaquer aux juifs. Je pense néanmoins que lorsqu’on rentre dans le détail, la condamnation pénale de l’antisionisme pose d’autres problèmes. »
Des propositions pour lutter contre la haine sur Internet